Paule Lebrun, une flamme au Cœur !

Au cours de l’automne 1994, j’ai fait une rencontre qui a changé ma vie. Je suis allé écouter une conférence de Paule Lebrun. Elle y parlait d’Éros et d’activisme social, de poésie et d’éveil. Elle citait Rûmi et Kabir, nous invitant à plonger dans l’expérience. Je suis sorti en feu de cette conférence, les yeux emplis d’étoiles. Quelques semaines plus tard, j’ai participé à un atelier sur la Roue de Médecine qu’elle animait. Je me souviens encore du rituel avec lequel elle a ouvert la seconde journée : nous avons chacun allumé une petite bougie que nous avons amené au centre du cercle en disant « j’allume la flamme de … ». Pour ma part, j’ai allumé la flamme de l’amour transformateur. Elle ne s’est jamais éteinte.

Paule, je la connaissais alors comme beaucoup par ses chroniques dans le Guide Ressources, dans lesquelles elle nous régalait de réflexions (im)pertinentes sur la vie, d’évocations sensibles de l’Orient spirituel et du Sud-Ouest américain. Elle parlait souvent de son maître bien-aimé, un barbu à l’œil vif dans lequel beaucoup veulent encore voir l’épouvantail du guru qui fait fuir les ignorants. Elle ne cachait pas s’être ouverte l’esprit au LSD et à fortes doses de contre-culture radicale, et riait d’avoir porté le portrait d’Osho en mala avec une robe orange qui témoignait de son engagement – « nous étions fous, mes amis ! » Fous de joie, fous d’amour de vivre. Dans l’année qui a suivi ma rencontre avec Paule, je suis allé en Quête de Vision sous sa guidance et j’ai pris conscience qu’elle incarnait pleinement l’enseignement qu’elle voulait transmettre. L’enseignement ? Non, mieux : l’émerveillement. Dès lors, je n’ai eu de cesse que de boire à cette source qui coulait dans ses mots, son rire, sa présence. Dans mes rêves, Paule est souvent apparue comme l’initiatrice qui connaît les secrets du labyrinthe et invite à s’y perdre pour mieux se retrouver. J’ai eu la chance de faire partie de la première cohorte de la formation qu’elle a mise en place pour transmettre la magie qu’elle savait si bien déployer autour d’elle. Comme elle disait : « quelle (belle) aventure, mes amis ! »

Quand Paule est allée en Inde, elle a demandé un nom spirituel à Osho. Le vieux coquin n’a pas trouvé mieux que de la nommer Paula (prononcez Paôla). Quand on sait que nos noms spirituels disent quelle est notre tâche spirituelle, il apparait que Paule n’avait pour se réaliser qu’à être elle-même. Elle disait souvent qu’elle avait ramené un cadeau d’Inde, le Cadeau. Pour moi, il est évident qu’elle était le Cadeau. En témoigne la façon dont elle a vécu les derniers mois de son existence : les yeux ouverts, avec une intensité de présence et une sérénité qui ont impressionné tous ceux qui l’ont entendu évoquer sa mort prochaine, sa plongée dans le Je Suis. Cela ne l’empêchait pas de vivre toute la gamme de son humanité, incluant bien sûr aussi les inévitables affres; elle conjoignait les contraires avec grâce et lucidité, démontrant par l’exemple comment la conscience peut tout traverser en s’enracinant dans la présence. Ces derniers temps, on pouvait voir dans sa façon d’être qu’elle était devenue l’enseignement, qu’elle l’avait fait chair vivante en elle tandis que son corps frêle tendait doucement vers la transparence à la lumière qui rayonnait au travers d’elle.

Paule a consacré les vingt-cinq dernières années de sa vie à bâtir l’école HO Rites de Passage, qui lui survivra grâce à la valeureuse équipe qu’elle a formé et à qui elle a transmis son bébé. Nous tou(te)s qui l’avons connu et aimé, nous allons continuer à transmettre le Cadeau qu’elle incarnait si bien. Ainsi continuera-t-elle longtemps à vivre dans nos cœurs. Paule n’est plus là en chair et en os pour nous enchanter par son rire cristallin et ses idées fulgurantes. Elle nous accompagne en esprit. Gardons la flamme vivante !

Jean Gagliardi, novembre 2017