Paule ma précieuse amie et complice de l’aventure…

J’ai rencontré Paule sur une page du Guide Ressources au début des années 90. Ses propos, ses récits d’aventure m’ont tout de suite interpellée. Paula, j’aimais ce que tu écrivais, j’aimais ta fougue, ta passion, ton radicalisme et je me disais : « Mais c’est qui cette « bébitte-là » ? »

À force de lire tes écrits, cela a éveillé en moi le désir de te connaître. En secret, je me souviens avoir souhaité devenir ton amie.

À pas de loup, je me suis approchée de toi en participant à tes ateliers au Centre St-Pierre. Je suis tombée complètement dans l’enchantement de que tu enseignais : mythologiser nos petites histoires personnelles avec la grille des 3 royaumes, le facteur joie dans nos vie, la célébration, le Mystère, la fameuse « joke cosmique » de ne pas se prendre au sérieux, bref, tous ces ingrédients ont contribué à mon initiation et à la découverte du Mystère. Cette façon de t’émerveiller devant le rien et le vide, le « C’est quoi ça ? » Il y avait quelque chose de mystérieux qui répondait à ma soif et ma quête de sens.

Ton grand désir de créer une communauté s’est manifesté par la création d’un cursus de formation de Praticien en travail rituel. En 2005, avec tout l’enthousiasme qu’on te connaît, tu as réuni 26 étudiants et tu nous avais dit à nous de la F1 : « Ce sera l’unique et la seule fois, alors profitez-en. » On s’est dit : wow ! Nous sommes vraiment privilégiés et avons plongé avec toi à 100 %. Un grand OUI. Et là, maintenant nous sommes rendus à la F13. Depuis quelques années, la formation s’est exportée en France. C’est plus de 400 étudiants qui ont été touchés par ta médecine.

Toi Paule, tu es celle qui nous a réveillés.

Et puis, il y a eu l’Arizona avec les voyages et Quêtes de vision sur les magnifiques terres rouges des Navajos. Qu’est-ce que tu aimais le sud- ouest américain, ton Sedona entouré de ces rochers tous plus rouges les uns que les autres ! Avec Gordon, tu as transporté la communauté dans des hauts lieux magiques, plusieurs centaines de personnes ont sillonné en silence avec vous les sentiers et ont fait des Quêtes de vision au pied de Spider Rock.

C’est là que tu m’as vue et que tu as reconnu dans mon regard que je partageais ce même amour pour l’Arizona et pour les Quêtes de vision.

J’aimais tellement te voir t’approcher de Spider Rock, on pouvait sentir ton excitation et ton coeur battre de joie. Ton rapport avec le Rocher de la Femme Araignée était empreint d’une grande complicité et d’une grande sensibilité :

« Regardez ce rocher comme si vous regardez le canyon de votre âme, ce qui est à l’extérieur est aussi à l’intérieur. »

Ces paroles me transportaient à chaque fois que tu les disais. Cela m’a permis de voir ma propre beauté.

Durant les 12 dernières années, nous avons voyagé ensemble. Je garde en moi des souvenirs inoubliables de nos « road trips », nos cafés dans les petits restos, nos virées dans les « thrift stores », nos longues conversations, on s’est raconté nos vies sous tous les angles, visité les chemins de l’âme d’un point de vue mythologique. Une grande initiation !

Puis nous avons réalisé un rêve ensemble, celui de faire un grand rassemblement de Femmes Loups dans le désert de l’Arizona. Eh ben ! On a eu du fun, c’était magique, rappelle-toi Paula, 50 femmes vêtues de blanc qui dansent sous la pleine lune à Monument Valley, supportées par une dizaine d’hommes. Une ode à la beauté comme tu savais en créer.

Paula, il y a un « avant » et un « après » ta rencontre. Dans La déesse et la Panthère, tu écris :

« Finalement, ai-je réalisé, toute quête mythique est toujours la même. Un jour, l’héroïne part en voyage et à travers ses aventures multiples, elle se cherche, se défait, se meurt parfois, renaît, s’invente et se crée. Quand elle revient à la maison, elle n’est plus la même. Son regard a changé. »
C’est ce qui s’est passé pour moi.

J’ai eu l’immense privilège avec ses proches de l’accompagner dans sa dernière journée chez elle et de partager un dernier repas comme elle aimait tant, assise par terre autour de la petite table du salon.

Lovées l’une contre l’autre se tenant la main, elle me demande : « Mais dis-moi Francyne, comment cela va se passer ? Est-ce que je vais tomber ? » Voyant de quoi elle parlait, je lui ai répondu tendrement : « Non Paula, je ne crois pas, je crois que tu vas t’endormir, nous allons souffler sur toi et tu vas retrouver ton étoile. » Elle m’a regardée avec son grand sourire et m’a dit OK. C’est presque le dernier moment conscient que j’ai eu avec elle, le plus beau pour moi.

Si je traduis ça dans le langage de Paule, cela aurait pu être ceci :

« Où est la porte de sortie ? » demanda-t-elle un jour à son maître.
« Tu n’as pas compris. » lui répondit-il. « Il n’y a pas de sortie Paula ! In or out, you are all the time in ! Pas moyen de s’échapper, tu es contenue dans la matrice ! »

Et puis est venu le moment de ton dernier souffle, entourée de ton amour Gordon, ta soeur Claude, de Lao et Erika. Plus tard avec Supana, nous t’avons honorée, honoré ton corps de déesse, t’avons vêtue comme une reine puis couronné ton front de fleurs. Tu étais d’une grande beauté, nous avons pleuré, nous avons chanté, nous avons fait silence, on sentait ta présence au-dessus de nous. Moment d’éternité avec toi ma belle amie.

Paula, tu as franchi la grande porte du Mystère, et tu nous laisses un héritage tellement précieux. Nous n’oublirons pas ton rire joyeux, ton talent de conteuse et ta soif de communauté.

Au final, j’ai réalisé que c’était toi la « Spider Rock », c’est toi la Femme Araignée qui ne cesse de tisser la toile du monde. Paule la tisseuse de communauté d’âme. Et aujourd’hui, que ce soit ici à Val-David, ou en France, en Suisse, en Belgique, au Mexique, en Arizona et ailleurs, la communauté célèbre ton passage vers le Mystère, ton retour à la source ; tu as laissé ton « véhicule tout-terrain » ici-bas pour voyager plus léger dans la cosmologie vers ton étoile. « It is fabulous ! »

Paula, je t’ai fait la promesse de faire en sorte que ton oeuvre te succède. C’est ce qui t’a maintenu vivante et allumée jusqu’à la fin. Nous allons honorer ton travail, nous allons poursuivre ton chef-d’œuvre et garder la flamme vivante.

Comme disent les Navajos : « See you around ma belle amie. »

Ton amie Francyne, ton coeur radiant !